Une personne en garde à vue peut exercer son droit à voir un avocat à n’importe quel stade de la garde à vue, peu importe que la demande n’ai pas été formulée au moment du placement en garde à vue ou au moment de la notification des droits.
C’est ce que rappelle les termes de l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 05 novembre 2013 (n° de pourvoi: 13-82682).
Pour apprécier toute la portée de cet arrêt, il convient de se replacer dans le contexte de la mise en œuvre d’une mesure de garde à vue.
Il est une idée fausse mais très répandue dans les commissariats et gendarmerie de France et de Navarre selon laquelle la personne placée en garde à vue ne peut demander un avocat qu’à deux moments de la mesure : au tout début lorsque lui sont notifiés ses droits et au moment de la notification du renouvellement de la mesure de garde à vue.
Cela est relève de la légende urbaine.
En effet, le Code de procédure pénale dispose en son Article 63-3-1 « Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat. »
La sanction est la nullité de toutes les auditions accomplies sans l’avocat et des actes subséquents s’y rattachant.
1. Difficulté : le gardé à vue ne demande pas l’assistance d’un avocat au début de sa garde à vue
Trois cas de figure peuvent se présenter : le gardé à vue demande dès le début de la mesure un avocat, le gardé à vue ne demande jamais l’assistance de l’avocat et enfin le gardé à vue ne demande pas d’avocat au début de la mesure mais change d’avis en cours de route, avant une éventuelle prolongation de la mesure de garde à vue.
C’est ce dernier point qui nous intéresse.
Au moment de la notification des droits du gardé à vue, un agent va demander au gardé à vue s’il veut « OU NON » être assisté d’un avocat. La précision typographique en gras et souligné a son importance.
En effet, il arrive très (trop !!!) souvent que le garde à vue ne demande pas d’avocat, soit qu’il ne mesure pas la situation à haut risque dans laquelle il se trouve, soit que les agents usent de dissuasion, car c’est bien connu, qu’un avocat « ne sert à rien, fait perdre du temps et fait durer la garde à vue au-delà du temps nécessaire… Rien à se reprocher, pas besoin d’avocat… Sans avocat tu sortiras plus vite de la garde à vue (pour aller directement en comparution immédiate (CI pour les initiés)… »
Bref…
1.
La plus part du temps, le gardé à vue qui a « renoncé » à l’avocat au début, va vite se rendre compte de la gravité de son erreur, changera d’avis en cours de route et voudra être assisté d’un avocat.
La réponse des forces de police à ce stade est classique : « Trop tard ! Vous n’avez pas voulu d’avocat au début de votre mesure vous y avez donc renoncé, vous ne pouvez plus en avoir pendant les prochaine 24h, sauf au moment de la prolongation de votre garde à vue. Et en attendant, merci de nous dire tout ce que vous savez sur ce que nous voulons entendre… »
Etonnant cette faculté d’interprétation de la loi pénale, non ?
Ce faisant, les policiers se permettent d’ajouter des obligations et contraintes à l’encontre du gardé à vue, qui ne figurent pourtant pas dans la loi.
En effet, le Code de procédure pénale ne dit nullement que le gardé à vue ne peut solliciter la présence d’un avocat qu’au seul début de la mesure de garde à vue.
Le texte dit très clairement que la personne peut exiger la présence d’un avocat dès le début de la mesure. Si le gardé à vue peut « dès le début » exercer son droit à être assisté d’un avocat, il peut donc exercer son droit à tout moment de la mesure de garde à vue.
En aucun cas le texte ne restreint au seul début de la mesure le moment où l’avocat peut être demandé par la personne.
2.
Les arguments au soutien d’une telle restriction sont parfaitement aberrants, reposent sur un non- sens qui a pour effet de priver de tout efficience les droits reconnus au gardé à vue.
La stratégie est la suivante : retourner contre le gardé à vue, le droit au silence.
En effet, si le gardé à vue demande un avocat en cours de garde à vue et non au début, il n’y aurait pas lieu d’y donner suite puisque d’une part, le gardé à vue ne l’a pas exercé au début de la mesure et en outre, s’il le souhaite, il n’a qu’à user du droit au silence et cesser de répondre aux questions posées dans l’attente de l’écoulement du laps de temps le séparant du renouvellement de sa garde à vue, moment à compter duquel il pourra demander un avocat.
Ainsi, le droit au silence viendrait jouer en quelque sorte un substitut du droit à l’avocat puisque le gardé à vue n’aurait pas besoin d’un avocat à côté de lui pour se taire.
A contrario, une telle lecture des droits de la personne en garde à vue conduirait en tout logique, simple parallélisme des formes, à admettre que le gardé à vue assisté de son avocat ne devrait plus bénéficier de son droit au silence.
Une telle position est parfaitement inacceptable.
2. Le droit à l’avocat à tout stade de la garde à vue
1.
La réponse de la Chambre criminelle est radicale et sans ambiguïté.
Pour la Chambre criminelle « toute personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat dès qu'elle en fait la demande »
Dès lors que le gardé à vue demande un avocat, les agents doivent stopper net toute audition et solliciter l’avocat choisi, ou l’avocat commis d’office :
« Vu l'article 63-3-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit de ce texte que toute personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat dès qu'elle en fait la demande ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a été placé en garde à vue le 7 avril 2012, ses droits lui étant notifiés à 15 h 50 ; qu'il n'a pas alors choisi d'être assisté par un avocat ; que, lors d'une audition ultérieure, le 8 avril 2012 à 10 h 50, il a sollicité cette assistance ; que, sans qu'une suite soit donnée à cette demande, l'officier de police judiciaire a poursuivi son audition ; que M. X... a réitéré sa demande, lors de la prolongation de sa garde à vue, le même jour à 14 h 50, le service du barreau en étant informé à 15 h 25 ; que mis en examen des chefs de meurtre aggravé et vol en réunion, l'intéressé a déposé une requête en vue de l'annulation, notamment, des auditions qui avaient été effectuées en garde à vue ;
Attendu que, pour rejeter cette requête, l'arrêt énonce que, lors de la notification de la garde à vue, M. X... n'a pas demandé à être assisté d'un conseil et que ce choix ne lui était à nouveau ouvert qu'au moment de la prolongation de la mesure ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies postérieurement au moment où le mis en examen avait sollicité l'assistance d'un avocat étaient irrégulières, de les annuler et, le cas échéant, d'étendre les effets de cette annulation aux actes dont elles étaient le support nécessaire, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt en date du 12 mars 2013 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris (…) »
2.
En substance, toute personne placée en garde à vue n’ayant pas sollicité la présence d’un avocat au début de la mesure, qui change d’avis en cours de route, doit obligatoirement bénéficier de l’avocat dès lors qu’il le demande expressément.
Toute audition ultérieure, toute déclaration faite postérieurement à cette demande, est nécessairement illégale dès lors que ces actes seront intervenus hors la présence de l’avocat.
Tous les actes seront attachés à ces déclarations déclarées nulles, seront également déclarés nuls.
« Vu l'article 63-3-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit de ce texte que toute personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat dès qu'elle en fait la demande ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Reimond X... a été placé en garde à vue le 7 avril 2012, ses droits lui étant notifiés à 15 h 50 ; qu'il n'a pas alors choisi d'être assisté par un avocat ; que, lors d'une audition ultérieure, le 8 avril 2012 à 10 h 50, il a sollicité cette assistance ; que, sans qu'une suite soit donnée à cette demande, l'officier de police judiciaire a poursuivi son audition ; que M. X... a réitéré sa demande, lors de la prolongation de sa garde à vue, le même jour à 14 h 50, le service du barreau en étant informé à 15 h 25 ; que mis en examen des chefs de meurtre aggravé et vol en réunion, l'intéressé a déposé une requête en vue de l'annulation, notamment, des auditions qui avaient été effectuées en garde à vue ;
Attendu que, pour rejeter cette requête, l'arrêt énonce que, lors de la notification de la garde à vue, M. X... n'a pas demandé à être assisté d'un conseil et que ce choix ne lui était à nouveau ouvert qu'au moment de la prolongation de la mesure ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies postérieurement au moment où le mis en examen avait sollicité l'assistance d'un avocat étaient irrégulières, de les annuler et, le cas échéant, d'étendre les effets de cette annulation aux actes dont elles étaient le support nécessaire, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt en date du 12 mars 2013 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris (…) »