L'Université Jean Moulin Lyon III est condamnée pour avoir refusé d'appliquer les règles relatives à la capitalisation des crédits ECTS.
Le Cabinet Guillaume GARDET a obtenu une décision intéressante du Juge des référés du Tribunal Administratif de Lyon contre l'Université Jean Moulin Lyon III pour le non respect par celle-ci des règles relatives à la capitalisation des crédits ECTS nécessaires à l'obtention des diplômes.
Le Cabinet a ainsi permis à un étudiant d'obtenir du Juge des référés, un reexamen de son dossier en vue de son inscription dans l'année supérieure.
L'ordonnance du Juge des référés est un véritable manuel des obligations qui s'imposent à l'Université sur ces questions et fera l'objet d'un commentaire détaillé lors d'une prochaine mise à jour.
Le texte de cette décision est reproduit ci-dessous.
Bonne lecture.
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON
M. Kolbert
Juge des référés
n°1207612
Ordonnance du 21 décembre 2012
Vu la requête, enregistrée le 30 novembre 2012 sous le n° 1207612, présentée pour M. X..., par Me GARDET, avocat au barreau de Lyon (...)
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation;
Vu le décret n°2002-48 1 du 8 avril 2002 relatif aux grades et titres universitaires et aux Diplômes nationaux ;
Vu l'arrêté du 23 avril2002 relatif aux études universitaires conduisant au grade de licence ;
Vu l'arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la requête n°12076 11 enregistrée Je 30 novembre 2012 par laquelle M. X. demande l'annulation de la décision du26 novembre 2012 ;
Vu la décision en date du 1er septembre 2012, par laquelle le président du tribunal a désigné M. KOLBERT, président, pour statuer sur les demandes de référé ;
(...)
1. Considérant qu'aux termes de l'article L.613-l du code de l'éducation : « L'Etat a le monopole de la collation des grades et titres universitaires. Les diplômes nationaux délivrés par les établissements sont ceux qui confèrent l'un des grades ou titres universitaires dont la liste est établie par décret (...) Sous réserve des dispositions des articles L. 613-3 et L.613-4. Ils ne peuvent être délivrés qu'au vu des résultats du contrôle des connaissances et des aptitudes appréciés par les établissements habilités à cet effet (...) Les règles communes pour la poursuite des études conduisant à des diplômes nationaux, les conditions d’obtention de ces titres et diplômes, le contrôle de ces conditions et les modalités de protection des titres qu’ils confèrent sont définis par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur (...) » ;
qu'en vertu de 1'article 2 du décret n°2002-481 du 8 avril 2002 susvisé, la licence constitue l'un des diplômes nationaux visés par les dispositions précédentes ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté ministériel du 23 avril 2002, applicable jusqu'à la rentrée universitaire de 2012, et organisant les études conduisant à la licence : « L’offre de formation est structurée en six semestres. Elle est organisée par domaine, sous la forme de parcours-types de formation initiale et contribue dans le cadre des dispositions.fixées aux articles 2 à 6 du décret du 8 avril 2002 susvisé. Ces parcours (...) contribuent à la délivrance des diverses licences qui sanctionnent un niveau validé par l'obtention de 180 crédits européens (…) » ; qu' aux termes de 1'article 14 de cet arrêté : « Les parcours sont organisés en unités d'enseignement articulées entre elles en cohérence avec les objectifs de formation (…) » ; qu’aux termes de l' article 25 du même arrêté : « Au sein d'un parcours de formation, les unités d'enseignement sont définitivement acquises et capitalisables dès lors que l'étudiant y a obtenu la moyenne. L'acquisition de l'unité d'enseignement emporte 1'acquisition des crédits européens correspondants. Le nombre de crédits européens affectés à chaque unité est fixé la base de 30 crédits pour l'ensemble des unités d'enseignement d'un semestre. De même sont capitalisables les éléments constitutifs des unités d'enseignement dont la valeur en crédits européens est également fixée. » ; que ces dispositions sont reprises et confirmées, pour l'université Jean-Moulin Lyon 3, par celles des articles 18 à 21 de son règlement ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. X. , étudiant à l' université Jean Moulin Lyon 3, inscrit depuis septembre 2008 en licence en droit, mention « Science politique et Droit », et ayant validé les quatre premiers semestres correspondant aux deux premières années de ce parcours en 2011, avait, à titre conditionnel, été autorisé à s' inscrire à titre conditionnel, dès l'année 2010-2011, à la troisième année de licence, correspondant aux 5ème et 6ème semestres, organisés l'un et l' autre en deux unités d'enseignement, Science politique, d' une part, et Droit, d'autre part, affectées chacune de 15 crédits européens répartis sur un nombre de disciplines en constituant les éléments constitutifs, variant entre cinq ct six ; qu'il n'a toutefois pas été admis en licence, à l'issue de la délibération du jury du 7 septembre 2011, n'ayant validé que les unités d'enseignement de Science politique des 5ème et 6ème semestres avec 15 crédits chacune et non les unités d'enseignement de Droit, pour lesquelles il n'a obtenu la moyenne à aucun de leurs éléments constitutifs, à l'exception toutefois de la discipline « Droit international public » du 6ème semestre, où il a obtenu les 5 crédits correspondants ; qu' entretemps, le conseil d'administration de l'université a, par délibération en date du 5 juillet 2011, décidé de modifier les « maquettes » et règlements d'examen des diplômes présentés par la faculté de droit et notamment celui de la licence en droit, mention « Science politique et Droit » en réorganisant en particulier les 5ème et 6èmc semestres, composés désormais de trois unités d’enseignement affectés globalement de respectivement 13, 13 et 4 crédits européens, et dont plusieurs éléments constitutifs ont été soit déplacés, modifiés, ou différemment pondérés ; que si, pour certaines disciplines ont été prévus des dispositifs de conversion entre les anciennes et les nouvelles maquettes, aucune mesure n'est toutefois venue compenser la suppression totale de la discipline « Droit international public » du 6èmc semestre ; que si M. X. , réinscrit en 3ème année de licence au titre de l'année 2011-2012, a validé le 5ème semestre, obtenant ses 30 crédits tant par ses résultats qu'au bénéfice du dispositif de conversion du résultat obtenu dans l'unité d'enseignement de Science politique de 2010, mais que s'agissant du 6èmc semestre, il n'a validé que les unités d'enseignement UEF Science Politique et UEC Science politique recueillant respectivement 13 et 4 crédits, mais non la dernière unité d'enseignement, « UEF Droit pour ScPo », affectée de 13 crédits, n'ayant la moyenne qu'à deux des quatre disciplines de cette unité ; que le jury de fin de 1icence 1'a donc déclaré ajourné, pour ce motif, par délibération du 19 juillet 2012 ; qu'à la suite de la contestation formée par M. X. , le doyen de la faculté de droit a retiré cette décision et provoqué une nouvelle délibération du jury qui, le 15 novembre 2012, a réitéré son refus initial ; que le président de 1'université a, par décision du 26 novembre 2012, rejeté le recours gracieux formé contre cette nouvelle délibération ; qu’eu égard aux écritures des parties et aux précisions apportées à 1'audience, la requête doit être regardée comme dirigée tout à la fois contre la délibération du 15 novembre 2012 et la décision du 26 novembre 2012 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'université
3. Considérant que contrairement à ce que soutient l'université en défense, les délibérations des jurys de concours ou d'examen constituent toujours des décisions susceptibles de recours pour excès de pouvoir, soumises, en tant que telles, au contrôle de légalité du juge administratif, quand bien même ce contrôle ne s'exerce pas sur 1'appréciation, qui demeure souveraine, que porte le jury sur les mérites des candidats ; que la requête de M. X. , qui ne vise d'ailleurs pas à contester ses résultats obtenus dans les différentes disciplines, mais seulement la régularité des modalités de prise en compte de ces résultats dans le cadre du dispositif entourant les modifications opérées dans l'organisation des études de licence, n'est donc pas irrecevable ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative
4. Considérant qu'aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative :
« Quand une décision administrative, même de rejet fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de celle décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction une doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) » ;
5. Considérant, d'une part, qu'à l'appui de sa demande de suspension de ladite décision, M. X. se prévaut de ce que la délibération du conseil d'administration de l'université du 5 juillet 2011 et dont, du fait de son caractère réglementaire, l'illégalité peut être invoquée à tout moment par voie d'exception, aurait dû, afin de préserver le droit reconnu à chaque étudiant par ces dispositions précitées de l'arrêté du 23 avril 2002, et du règlement de l'université, de conserver, dans le cadre du même parcours, le bénéfice de la validation par lui de chacun des éléments constitutifs des unités d'enseignement, avec les crédits européens correspondants, organiser un dispositif transitoire permettant, sans renoncer à l'exigence de cohérence pédagogique, de compenser notamment la suppression totale de la matière « Droit international public » du 6ème semestre de licence, en tant qu'élément constitutif à part entière d'une unité d'enseignement de ce semestre, qu'avait impliquée la modification des maquettes d’enseignement à partir de l’année universitaire 2011- 2012 ;
qu’un tel moyen est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la délibération du juryrefusant l'admission de M. X. en licence et de la décision subséquente du président de l'université, prises toutes deux sur le fondement de la délibération du 5 juillet 2011.
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée fait obstacle à ce que M. X. , qui quoi qu'autorisé à suivre les enseignements de première année de master, puisse, faute d'avoir obtenu la licence, subir les examens pour l'obtention de ce diplôme ; qu’une telle situation préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation pour que soit regardée, en l’espèce, comme remplie la condition d'urgence énoncée par les dispositions précitées de l'article L.521-l du code de justice administrative ; que contrairement à ce que soutient l'université, il ressort aussi des pièces du dossier que 1e requérant a rapidement appelé l'attention des autorités universitaires sur la situation qui résulterait pour lui du dispositif contesté et qu'il a d'ailleurs obtenu le retrait, pour ce motif, de la délibération du 19 juillet 2012 ; qu’enfin, l'université ne saurait utilement soutenir que le préjudice subi en tout état de cause par le requérant ne procèderait pas des décisions attaquées du seul fait qu'en ajoutant les cinq crédits litigieux à l'ensemble des crédits capitalisés depuis 2008, il n'obtiendrait pas en tout état de cause les 180 crédits nécessaires à l'obtention de la licence, dès lors que les mesures transitoires qui devaient être prises dans le cadre du changement de maquette auraient nécessairement dû aménager un dispositif d'équivalence avec une ou plusieurs autres disciplines, qui lui auraient permis, par le jeu des moyennes, de valider le cas échéant, par compensation, soit l'unité d'enseignement manquante soit le semestre ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Considérant que 1'exécution de la présente ordonnance implique nécessairement que soit réexaminée la situation de M. X. , au regard d'un dispositif permettant la prise en compte, dans le cadre d'une unité d'enseignement intégrée au 6ème semestre de licence, de la validation acquise de la matière de Droit international public et des cinq crédits correspondants ; qu’il y a lieu d'impartir à cette fin, à l'université Jean Moulin Lyon 3, un délai de deux mois, sans qu' il soit nécessaire d'assortir cette injonction d' une astreinte ; qu'eu égard à l'éventualité qu' un tel réexamen débouche sur l'octroi de la licence, il y a lieu également d'enjoindre à l' université de prendre, dans l'attente, les mesures nécessaires afin d'éviter tout risque de rupture de continuité dans le parcours de master dans lequel M. X. s' est engagé ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu' il y a lieu en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l' université Jean Moulin Lyon 3, partie perdante, le versement à M. X. d' une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
ORDONNE :
Article 1er : L'exécution de la décision du président de l' université Jean Moulin Lyon 3 en date du 26 novembre 20 12 et de la délibération du jury du 1 5 novembre 2012, refusant à M. X. son admission en licence est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint à l' université Jean Moulin Lyon 3 de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance, la situation de M. X. au regard d'un dispositif permettant la prise en compte, dans le cadre d'une unité d'enseignement intégrée au 6ème semestre de licence, de la validation acquise de la matière de Droit international public et des cinq crédits correspondants, et dans cette attente, de prendre toutes mesures permettant d'assurer provisoirement à l'intéressé une continuité dans le parcours de master dans lequel il s'est engagé.
Article 3 : L'université Jean Moulin Lyon 3 versera à M. X. la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. X. et à l'université Jean Moulin Lyon 3.
Fait à Lyon, le 21 décembre 2012